Le Père Noël existe... je l’ai rencontré
Week-end
de Noël à l’aéroport. Foire d’empoigne aux comptoirs, au filtre police,
des vacanciers qui rentrent, d’autres qui partent, ceux qui vont passer
Noël chez belle-maman, ceux qui s’échappent le plus loin possible des
sapins et des boules de Noël (jeu de mot inside). Bref, je vais d’un
coup d’aile rejoindre la capitale avant de poursuivre vers Istanbul (de
Noël – je sais, je suis lourd).
Le vol pour CDG est prévu avec un
petit retard, rien de méchant, j’ai encore du temps pour la
correspondance. Et comme je suis toujours en avance, je déambule dans
l’aérogare.
J’aime les aéroports. Ce sont des endroits magiques
où se concentrent des échantillons d’humanité passionnant. Vous avez le
stressé-pressé qui fume comme un pompier en criant très fort en mauvais
anglais dans son téléphone portable, la cravate au vent, le laptop en
bandouillère et l’air important, mais aussi la famille qui part en
vacance pour la première fois par les airs et qui erre de comptoir en
guichet en ne comprenant rien aux subtilités de l’enregistrement, des
halls, des portes, de l’embarquement, du filtre, de la douane. Il y a
les solitaires qui attendent. Il y a ceux qui y travaillent. Il y a les
uniformes des navigants, ceux de la police, le treillis des
vigie-pirate. Il y a le distrait qui se trompe de porte, celui qui a
perdu sa carte d’embarquement, sa carte de parking. Celui qui court,
l’autre qui marche, le dernier qui pleure.
Bref, un endroit
féerique, inhumain mais tellement humain. Tout ce petit monde va être
regroupé dans un joli cigare en métal, propulsé à environ Mach 0.8,
bien au dessus des nuages. Ils partiront tous ensemble, arriveront tous
de même. Il y a quelque chose de démocratique dans l’avion. C’est le
seul transport en commun que partagent les différentes couches sociales.
Et
l’aéroport étant magique, c’est donc bien le seul endroit de la planète
où un anti-Père-Noël comme moi pouvait le rencontrer. Le monde est
ainsi fait.
J’embarque bon dernier, ça aussi c’est une habitude.
En approchant de la porte du Fokker 100, j’entends des rires. La chef
de cabine m’accueille avec un magnifique sourire jusqu’aux oreilles, et
près d’elle se tient le Père Noël. Le vrai, le seul, l’unique. Comment
je le sais ? C’est le seul a avoir une belle veste bleu marine, avec
des ailes dorées et quatre galons aux manches. Bien entendu, il a aussi
sa barbe blanche et son bonnet rouge, comme les autres, les faux, les
imitations. Mais franchement, vous l’imaginiez comment, vous, le Père
Noël ? Je salue donc la chef de cabine et le commandant de Noël, et je
crois que c’est à ce moment que je suis retombé en enfance.
Je m’installe au 12A. Fermeture des portes, et annonce de bienvenue du captain :
«
Mesdames et Messieurs bonjour, ici le Père Noël. Au nom d’Air France,
je vous souhaite la bienvenue à bord de ce traîneau à destination de
Paris Charles de Gaulle. Les lutins en cabine feront de leur mieux pour
faire de ce voyage un moment agréable. Blablabla, blablabla ».
A ma place vous auriez fait quoi ? J’ai sorti mon calepin et mon stylo :
« Lettre au Père Noël,
Depuis tout petit, je rêve d’avions. Certes, j’ai beaucoup grandi, mais je reste passionné d’aviation.
D’ailleurs j’ai depuis épousé une hôtesse de l’air.
Et depuis peu, je suis inscrit dans un aéroclub et j’essaye d’apprendre à voler.
Me feriez-vous le plaisir de me faire visiter le poste du F100 ?
En tout cas, bon Noël à vous. »
J’ai donné le petit mot à la chef de cabine. « Tiens, une lettre au père Noël !
».
Quelques instants plus tard, elle me demandait si je préférais faire un
petit tour maintenant ou l’atterrissage au poste. J’ai choisi la
deuxième option, et en début de descente le stew m’a emmené vers
l’avant.
J’ai eu un peu de mal à caser ma grande carcasse dans
le jump-seat, mais assis entre le Père Noël et son premier Lutin, j’ai
ainsi pu suivre la descente, un peu de radada au dessus de la couche de
nuage dans laquelle on s’est enfoncé tout doucement, puis la finale et
l’atterrissage.
Le Père Noël existe... je l’ai rencontré.