Décrochage
Samedi je me suis levé tôt. J'aime me
lever tôt le samedi, contrairement à la semaine. A 7h30 je suis dans ma
petite auto, cap au Nord, cap vers le terrain. C'est assez loin. J'ai
choisi un aéroclub en pleine campagne, proche de mon deuxième chez moi,
mais loin de la ville où je travaille. Et ce samedi matin là, je vais
donc rouler une heure trente avant d'arriver en vue des hangars.
Le
ciel est clair ce matin. Des écharpes de brume traînent ça et là dans
les plis du terrain. La météo a annoncé 17°C et un petit vent de
Sud-Sud-Est d'une dizaine de km/h en cours de matinée. Et je roule
toujours, en direction de ma douzième heure de vol. Parfois la brume
devient brouillard, et le disque du soleil apparaît orange sanguin.
J'arrive
enfin. Je ne suis pas seul, des voitures sont garées sur le parking de
l'aéroclub. J'entre dans le hangar et j'aperçois ma monture dehors, où
embarquent un instructeur et un élève. Bon, dommage, j'étais arrivé tôt
pour faire la prévol, je n'ai plus qu'à attendre. A tout hasard, je vais vérifier les potentiels du DR400 et
je jette un oeil sur le programme de la journée. J'attaque les tours de
piste rectangulaires aujourd'hui. L'instructeur a pris l'option de
m'apprendre à piloter avant de tourner. Ca repousse le lâcher, mais je
ne suis pas pressé. De cette manière c'est même plutôt agréable
d'apprendre. On s'est un peu baladé dans le coin en faisant des
exercices, les derniers en date étant les décrochages.
L'instructeur
arrive, on papote un instant puis on attaque le briefing tour de piste et
atterrissage. L'avion revient au parking, prévol rapide, on embarque et
c'est parti. Le ciel est clair, la visi à 6 km, vent calme. Briefing
avant alignement : montée à 3500 pieds, deux décrochages, retour dans
le circuit et on enchaîne les tours de piste.
Dont acte.
Arrivé à l'altitude demandée, je me mets en palier, et j'énonce à
l'instructeur les actions à faire pour engager le décrochage :
réchauffe, ralenti, contrôle de symétrie, cabrer pour rester en palier,
alarme, et après le décrochage, accompagner l'avion en remettant les gaz et
redresser en douceur. C'est tout bon. On y va.
Je tire sur le
manche, la bille est au centre, le vario nul. L'avertisseur résonne
dans le casque, les ailes flottent un peu et hop, le manège démarre.
L'avion part en piqué, je pousse le manche, applique la pleine
puissance, et j'entends mon gentil FI faire : "Hep, hep, hep, pas si
fort !". Il tire d'autorité le manche en arrière et nous voila revenu
à plat avec un commentaire : "Mais qu'est ce que tu m'as fait là ? Tu
accompagnes l'avion. Une assiette à 20° ça suffit, et doucement les
gaz...".
J'ai enlevé discrètement mon pouce du bouton de la
radio. Pouce qui était prêt à canarder tous les Me 262 de passage dans
le coin. Pendant un instant - est-ce le lever tôt ou un réflexe mal
venu ? - je me suis vu aux commandes de mon Yak 9U préféré, au dessus
de Smolensk en 1944, chassant les avions à croix de fer ... comme dans IL2
sur lequel j'avais joué plusieurs fois au cours de la semaine écoulée.
Le
second décrochage a été plus académique et doux. La séance s'est
terminée tranquillement avec les circuits à 1000 pieds. Et je suis
rentré chez moi, en me promettant cette fois d'éviter la veille d'un vol de jouer
à IL2.